Les constats
Le harcèlement est une notion mal connue, encore aujourd’hui. Il sévit dans certaines cultures et sociétés plus que d’autres sur cette planète. Dans nos sociétés occidentales, nous pouvons rencontrer ce type d’agissement dans tous les domaines de notre vie :
- Dans la sphère privée, au sein de la famille proche, dans le couple, dans une fratrie, ou au sens plus large, dans le système familial.
- Avec nos paires, au sein d’un groupe d’influence, adulte ou enfant, scolaire, ou extra-scolaire.
- Dans la sphère professionnelle avec nos supérieurs hiérarchiques, nos collègues de travail.
Et bien sûr avec la modernité, le harcèlement ne prend plus fin à la sortie du collège, du travail mais se poursuit, par SMS ou sur les réseaux sociaux là où la frontière entre le social et l’intime devient souvent floue. On parle alors de Cyber-harcèlement.
Une fois ce constat posé je pense qu’il serait intéressant de réfléchir, aussi, aux causes qui sont à l’origine de ces comportements.
Qu’est-ce-que le Harcèlement scolaire ?
Définition du harcèlement
Selon Marie-France Hirigoyen (1) « Par harcèlement […], il faut entendre toute conduite abusive se manifestant notamment par des comportements, des paroles, des actes, des gestes, des écrits, pouvant porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne, mettre en péril (la scolarité) de celle-ci ou dégrader le climat de travail ».
Quelle est la différence en le conflit et le harcèlement ?
Selon l’interview donnée par le psychosociologue suédois, Heinz Leymann (2) dans le journal Libération, « L’un est la poursuite et la dégénérescence de l’autre. Nous considérons qu’il y a (Harcèlement) lorsqu’une personne est acculée, mise en état d’infériorité constamment, fréquemment (au moins une fois par semaine) et sur une longue période, soumise à des manœuvres hostiles et dégradantes. La progression est insidieuse, cela va (d’ ignorer) la présence de la victime, jusqu’à l’agresser physiquement ». Le harcèlement commence donc, par un conflit, des brimades ou des propos malveillants qui perdurent dans le temps.
En résumé
Il y a trois éléments constitutifs de harcèlement (6):
- des agissements répétés
- la dégradation des conditions de travail
- l’atteinte à la personne
Le harcèlement scolaire est un phénomène de groupe
En effet, la réaction des élèves qui sont témoins de maltraitance à une énorme influence sur la réalité de celle-ci. La psychiatre, M.F. Hirigyoen avait alerté en 1998 sur « la souffrance des victimes et leur impuissance à se défendre ».
Par amusement (3) ou juste par passivité (4), le groupe devient complice. Il s’agit de biais cognitifs et cela à une double répercussion.
Pour les « victimes », en plus de la souffrance intrinsèque, cela conduit inévitablement à un sentiment de solitude. Une stratégie, plus ou moins consciente, de « mise à l’écart » est d’ailleurs symptomatique de cas de maltraitance.
Chez les « malfaiteurs », cela encourage leur sentiment d’immunité. Il peut en résulter, une forme de « popularité » par la peur ou la domination. Ils se sentent légitimes et finalement aussi prisonnier d’un comportement auxquels on les identifie. Ce drame, car il ne s’agit encore que d’enfants, peut entrainer une régularité malsaine et une escalade dans la nature des actes de cruauté.
Quels sont les signaux auxquels nous devons être attentifs ?
- Blessures inexplicables
- Vêtements, livres, appareils électroniques ou bijoux perdus ou détruits
- Maux de tête ou maux d’estomac fréquents, envie de vomir ou faire semblant d’être malade
- Changements dans les habitudes alimentaires, comme sauter soudainement des repas ou manger de façon excessive.
- Difficulté à dormir ou cauchemars fréquents
- Baisse des notes, perte d’intérêt pour le travail scolaire ou refus d’aller à l’école
- Perte soudaine d’amis ou évitement des situations sociales
- Sentiment d’impuissance ou diminution de l’estime de soi
- Comportements autodestructeurs tels que fuguer, se faire du mal ou parler de suicide
Certains élèves sont plus stigmatisés que d’autres. Ainsi, nous pouvons maintenir une vigilance particulière sur des profils :
- Féminins, nous sommes, encore, dans une société où l’on constate encore de nombreuses inégalités entre les sexes.
- Des personnes qui sont stigmatisées dans un contexte donné. Par exemple : Des élèves avec des croyances ou appartenances ou qualités minoritaires dans le groupe. Des élèves possédant des différences physique marquée par rapport au groupe des enfants en situation de handicap, des élèves en surpoids.
Un impact dramatique
Le triangle de Karpman
Avez-vous déjà entendu parler du triangle de karpman
La prévention du harcèlement scolaire
A la maison
Apprendre à se connaitre :
Comme nous avons commencé à le voir dans le précédent article « Neurones miroirs » nous pouvons aider nos enfants à développer des capacités, des savoir-être et des savoir-faire.
Pour initier la conscience de soi et par extension la conscience sociale, il est important de sensibiliser nos enfants à leur vécu émotionnel. Nous avons tous des besoins à satisfaire. Chaque individu a sa sensibilité, c’est ce que l’on appelle la subjectivité. Accueillir, nos enfants, sans les juger c’est les recevoir avec un amour inconditionnel: » je t’aime comme tu es ».
Si nous partons du principe que chaque pensée, émotion, action à une origine, nous pourrons enquêter avec eux pour chercher et identifier les causes de leur mal-être. Rendre nos enfants conscient de ce qui se passe en eux va leur permettre de pourvoir se positionner, prendre des décisions, accéder à des compétences humaines d’autogestion et de gestion des relations. Nous les aidons à devenir plus autonomes et moins influençables. (5)
Dans le cerveau des enfants, les connexions entre les circuits émotionnels et les régions les plus pensantes vont se renforcer jusqu’à leur 25 ans. Le matériel neurologique responsable de la maitrise de soi sera alors mature.
Porter un regard bienveillant sur soi
Si vous connaissez un peu la C.N.V (7), vous avez déjà eu l’occasion de porter un regard neuf sur notre société, son système éducatif et toute la maltraitance que nous subissons depuis notre plus tendre enfance. Sinon je vous invite à découvrir en vidéo cet homme et sa vision en cliquant ici.
Développer la tolérance
Lorsque nous sommes en mesure d’accueillir avec bienveillance nos imperfections alors nous pouvons faire preuve de tolérance.
- Dans l’établissement
La réponse institutionnelle au harcèlement doit se faire sur plusieurs axes de travail.
Tout d’abord, reconnaitre la violence des schémas institutionnels. Aujourd’hui, nous savons à quel point un modèle identificatoire sain permet aux enfants de s’épanouir convenablement. Comment pouvons nous penser endiguer la maltraitance au sein d’un système qui est lui-même producteur de maltraitance ?
La majorité des établissements éducatifs, répondent aux « attitudes inadaptées », depuis des années, principalement avec la punition, la contrainte et l’humiliation : le carnet des « doléances » (correspondance) qui commence au collège et qui va des plaintes des surveillants, aux mots humiliants laissés par certains professeurs qui se « défoulent » à l’attention des parents, les sempiternelles heures de colles inutiles, aux conseils de disciplines, allant jusqu’au renvoie des élèves.
Sources :
- Marie-France Hirigoyen, psychiatre et psychanalyste publie en 1998, « Le harcèlement moral : la violence perverse au quotidien » éditions Syros.
- Heinz Leymann, psychosociologue suédois est à l’origine du concept de « mobbing » issu de l’anglais Mob : molester, malmener et de ses conséquences, à travers son livre-essai publié en 1996, aux éditions Seuil, « mobbing : la persécution au travail ».
- L’effet de halo se produit quand la perception d’une personne ou d’un groupe est influencée par l’opinion que l’on a préalablement pour l’une de ses caractéristiques. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. L’effet de notoriété est aussi un effet de halo.
- Le biais de faux consensus est la tendance à croire que les autres sont d’accord avec nous plus qu’ils ne le sont réellement. Ce biais peut être particulièrement présent dans des groupes fermés dans lesquels les membres rencontrent rarement des gens qui divergent d’opinions et qui ont des préférences et des valeurs différentes. Ce qui est le cas au sein des établissements scolaires.
- Le biais de conformisme est la tendance à penser et agir comme les autres le font.
- (Hincker, 2016, p.55)
- C.N.V. Communication Non Violente de Marshall Rosenberg